DECLARATION PUBLIQUE DES ACTEURS DE LA SOCIETE CIVILE SUR LE PROCESSUS ELECTORAL EN COURS

Publié le par CEPAS - AD

Approche consensuelle
des acteurs de la société civile pour la fin de la crise institutionnelle
en République démocratique du Congo.

 

 

 

Les acteurs de la société civile de la République démocratique du Congo, réunis en atelier du 14 au 16 mai 2018 au Centre d’Etudes pour l’Action Sociale (CEPAS), ont réfléchi sur la crise institutionnelle qui perdure quasiment depuis sept ans. Après en avoir analysé les causes, évalué les possibles conséquences et envisagé les solutions de sortie les plus viables pour le pays, ils ont convenu de l’approche ci-après pour faire évoluer la nation congolaise vers des élections crédibles qui permettront une alternance pacifique et mettront un terme à une crise qui n’a que trop duré.

 

 

QUEL EST LE CONSTAT ?

 

La rupture du cycle électoral amorcé en 2006 en République démocratique du Congo (RDC) par la non-organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales et locales au terme du mandat constitutionnel du Président de la République en décembre 2016 n’a pas permis l’alternance démocratique en RDC. Cet état des choses est venu aggraver la crise politique issue de la contestation des résultats de l’élection présidentielle de 2011 et a plongé le pays dans une incertitude politique et constitutionnelle.

 

A l’approche de l’échéance de la fin du deuxième et dernier mandat du Président de la République en décembre 2016, la Cour Constitutionnelle de la RDC, a rendu son arrêt en date du 11 mai 2016 sous le RCONST/262 affirmant que le Président de la République reste en place jusqu’à l’installation du  Président de la République élu.  Et ce, quel que soit le temps que cela devra durer. Au lieu d’apaiser le climat politico-social, cette décision de la Cour a radicalisé l’opinion de plusieurs acteurs politiques et sociaux, jetant un discrédit sur la Cour Constitutionnelle et remettant en doute sa neutralité.

 

Pour apaiser le climat de tensions de plus en plus vif à la veille de la fin du mandat du Président de la République, Joseph KABILA, en décembre 2016, la classe politique congolaise et la société civile, sous la facilitation de la Commission Épiscopale Nationale du Congo (CENCO), a signé l’Accord dit de la Saint Sylvestre pour créer un climat de paix et des conditions propices à la tenue, en décembre 2017, d’élections apaisées et crédibles qui devaient assurer la première alternance démocratique en République démocratique du Congo. Cet accord a eu le mérite d’obtenir les engagements et signatures des délégués de la majorité et de l’opposition sur le respect de la constitution, en écartant toute possibilité de troisième mandat pour le Président de la République ainsi que de modification de la constitution et d’organisation du referendum constitutionnel durant cette période. L’Accord a ainsi apaisé le climat de tensions au sein de la population qui attendait vivre  cette première alternance démocratique et pacifique de l’histoire du pays.

 

Malheureusement, cet accord n’a pas été entièrement respecté, notamment en ce qui concerne l’organisation des élections aux dates convenues ou encore la mise en œuvre des mesures de décrispation du climat politique.

 

Le comportement des acteurs politiques membres de la majorité présidentielle au pouvoir, de certains membres de l’opposition et de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), caractérisé par la multiplication d’embûches contre l’organisation des élections libres, transparentes et apaisées, tendant à renvoyer continuellement la tenue de celles-ci, n’est pas de nature à susciter la confiance de l’opposition ni de la société civile dans le processus électoral en cours. Ce comportement fait douter de la volonté du Chef de l’Etat et de sa famille politique à faciliter la tenue effective des élections crédibles.

 

 

QUE PRECONISE DONC LA SOCIETE CIVILE ?

 

En rapport avec l’organisation des élections à l’échéance du 23 décembre 2018, les acteurs de la Société Civile estiment que leur tenue est possible, pourvu que soit réuni un minimum de conditions de TRANSPARENCE, de SECURITE, de CREDIBILITE et de CONFIANCE dans le chef des acteurs en présence et vis-à-vis du processus.

 

 

La société civile se mobilise donc pour :

 

  1. accentuer la surveillance du processus électoral en cours, notamment en :

 

-          tirant la sonnette d’alarme à chaque entorse dans la mise en œuvre des activités prévues par le calendrier électoral qu’elle évaluera à chacun des jalons qu’elle a positionnés,

-          dénonçant toutes les initiatives ayant pour objectif la prise en otage du processus électoral et mener des actions pour y faire échec,

-          mettant en œuvre la série d’actions planifiées pour garantir la transparence et la crédibilité des élections qui seraient organisées

 

  1. amorcer la mise en œuvre d’actions nécessaires à la mise en place d’une transition conduite par la société civile et sans le Président Kabila (TSK), si l’une des lignes rouges qu’elle a définies (voir tableau en annexe) est franchie ou si au 23 décembre 2018 aucune élection n’est organisée.

Pour rappel, les élections, OBLIGATION CONSTITUTIONNELLE, n’ont pas eu lieu en décembre 2016 notamment à cause du manque de moyens financiers qui devaient être mis à la disposition de la CENI, ni en décembre 2017 pour HONORER LES SIGNATURES apposées sur l’Accord de la Saint-Sylvestre. Parmi les responsables de cette défaillance, les institutions en place sont directement mises en cause : le Président de la République et le Gouvernement en premier et le Parlement en second.

Dès lors, pourquoi faudrait-il laisser les animateurs des institutions qui ont failli à leur obligation constitutionnelle et incapables d’honorer leurs engagements continuer à enfoncer la République au détriment des millions de citoyens ?

 

LE BIEN-FONDE DE CETTE APPROCHE DE LA SOCIETE CIVILE

 

La mauvaise foi largement démontrée par le pouvoir organisateur du processus électoral (Gouvernement, Parlement et CENI) ne laisse à la société civile aucune possibilité de lui accorder le « bénéfice du doute » quant à l’organisation d’élections crédibles et oblige ses acteurs à une vigilance tous azimuts. Les éléments ci-après le confirment :

 

‣          La modification, par révision constitutionnelle, des modalités de l’élection présidentielle en 2011 : de 2 tours à 1 tour ;

‣          La tentative en janvier 2015 de vouloir lier l’organisation des élections à un recensement de la population qui a abouti à des manifestations réprimées dans le sang ;

‣          La non-application des recommandations des concertations nationales consécutives à la crise issue des élections de 2011 ;

‣          La non-organisation des élections en décembre 2016 qui constitue une faute lourde de non-respect de son obligation constitutionnelle ;

‣          L’absence de condamnation, synonyme d’acceptation tacite, de la répression sanglante des manifestions pacifiques réclamant les élections en 2016 ;

‣          L’application sélective des dispositions de l’Accord de la Saint Sylvestre ;

‣          La mainmise du Président de la République sur les animateurs du système judiciaire, y compris sur ceux de la Cour Constitutionnelle dont la dernière nomination est entachée de nombreuses irrégularités ;

‣          La multiplication des déclarations de quelques acteurs de la Majorité Présidentielle annonçant la « prochaine candidature du Président Joseph Kabila » (Ex. Affiche à Kinshasa Delvaux, Discours du Gouverneur ai du Maniema en mai 2018, …) ;

‣          La confiscation des médias publics ;

‣          L’imposition par la CENI de la machine à voter en dehors de tout consensus avec toutes les parties prenantes ;

‣          Le refus d’activer le cadre de concertation des parties prenantes aux élections ;

‣          Etc.

 

 

 

EN CONCLUSION

 

Pour la société civile de la République démocratique du Congo, le véritable enjeu est que le peuple se réapproprie son destin en pesant de tout son poids sur le processus électoral en cours pour qu’il se déroule de la manière la plus transparente et crédible possible et qu’il aboutisse au choix des personnalités qui pourront véritablement prendre en compte ses aspirations profondes.

La Société civile de la République Démocratique du Congo exige donc le respect de TOUS les termes de l’Accord de la Saint Sylvestre et que :

 

  1. En matière de TRANSPARENCE :

 

‣     La CENI publie, dans les formats accessibles aux populations, la cartographie des bureaux de vote avec le nombre d’électeurs y inscrits afin de rassurer toutes les parties prenantes ;

‣     La CENI élimine du fichier électoral tous les cas d’irrégularité décelés par l’audit conduit par l’Organisation Internationale de la Francophonie ;

‣     La CENI renonce, avant le 19/09/2018, à l’utilisation de la machine à voter non conforme à la Loi ;

‣     La CENI autorise l’audit citoyen du fichier électoral et le comptage parallèle des voix ;

‣     Toutes les Organisations de la Société Civile (OSC) œuvrent pour la sensibilisation et mobilisation de la population pour la conduire à s’approprier le processus électoral afin d’influencer positivement l’organisation des élections conformément au calendrier électoral ;

‣     Les OSC renforcent leurs mécanismes de collaboration pour assurer la surveillance du processus électoral en cours, en s’appuyant sur le dispositif électoral de la CENCO, afin d’organiser la centrale électorale de la Société Civile ;

‣     Les instances judiciaires poursuivent les agents de la CENI auteurs ou complices de la fraude et corruption du fichier électoral ;

‣     L’Ordonnance présidentielle portant nomination des juges de la Cour Constitutionnelle soit annulée en raison des multiples irrégularités dans le processus de leur désignation.

 

  1. En ce qui concerne le CADRE LEGAL, la CONFIANCE et la SECURITE :

 

‣     Le Parlement envisage la révision de la loi portant répartition des sièges en mode d’urgence compte tenu des irrégularités constatées dans la constitution du fichier électoral ;

‣     Tous les acteurs engagés dans le processus électoral signent un acte d’engagement au respect des droits fondamentaux ;

‣     Le Gouvernement de la République mette en œuvre, AVANT LES DEPÔTS DES CANDIDATURES, toutes les mesures de décrispation politique contenues dans l’Accord de la Saint Sylvestre, notamment celle de la libération des prisonniers politiques ;

‣     Le Gouvernement de la République libère l’espace médiatique et public, veille au respect de la liberté de la presse et de manifestation et à l’accès équitable de toutes les parties-prenantes aux médias publics ;

‣     Le Gouvernement de la République mette en place et finance le plan de sécurisation du processus électoral avec l’implication de toutes les parties prenantes ;

‣     Le Gouvernement de la République prépare les forces de sécurisation des opérations électorales ;

‣     Le Gouvernement de la République discute d’ores et déjà des modalités d’accéder aux unités spécialisées et à la logistique de la MONUSCO pour renforcer la sécurisation du processus électoral conformément à la résolution 2409 du Conseil de Sécurité.

 

 

La société civile appelle les Nations-Unies, l’Union africaine, la SADC, la CEEAC et la CIRGL à accentuer la pression sur toutes les parties prenantes au processus électoral en République démocratique du Congo pour qu’elles mettent en œuvre, sans délai, l’Accord du 31 décembre 2016 en TOUTE BONNE FOI ET DANS SON INTEGRALITE, conformément à la résolution 2348 du 31 mars 2017 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies.

Pour les organisations de la société civile signataires de l’approche,

 

ALAIN NZADI-a-NZADI, sj

Directeur du CEPAS ET

Rédacteur en Chef de Congo-Afrique.

 

Calendrier CENI

Action OSC

Date

Description

Observation

Niveau d’alerte

06 avril 2018

Décision de publication des statistiques des électeurs par entités électorales

 

 

08 mai 2018

Promulgation de la loi sur la répartition des sièges

 

 

23 juin 2018

Convocation de l’électorat

Evaluation et communication ou action de la SC

 

25 juillet 2018

Publication des listes provisoires des candidats députés provinciaux

Evaluation et communication ou action de la SC

 

13 août 2018

Fin réception Ajout, retrait et substitution des candidatures présidentielles et des députés nationaux

Evaluation et communication ou action de la SC

 

20 août 2018

Publication des listes définitives des candidats députés provinciaux

Communication et action directe de la SC

 

24 août 2018

Publication des listes provisoires des candidats présidents et députés nationaux

Communication et action directe de la SC

 

19 sept 2018

Publication des listes définitives des candidats présidents et députés nationaux

Si Candidature de Joseph Kabila, démarrer Transition sans Kabila (TSK)

 

06 oct. 2018

Préparatifs techniques de l’impression des bulletins, des procès-verbaux et des fiches des résultats

Evaluation et communication ou action de la SC

 

15 oct. 2018

Fin Impression, conditionnement et livraison aux 15 hubs, des bulletins de vote, des procès-verbaux et des fiches des résultats

Communication et action directe si matériels sensibles non livrés à cette date

 

05 déc. 2018

Fin déploiement des bulletins de vote, des procès-verbaux et des fiches des résultats vers les sites de formation

Communication et action directe de la SC

 

08 nov. 2018

Début accréditation des témoins

Evaluation et communication ou action de la SC

 

08 nov. 2018

Début accréditation des observateurs et des journalistes

Evaluation et communication ou action de la SC

 

22 déc. 2018

Déploiement des chefs de centre de vote et présidents formateurs des sites de formations vers les centres de vote

Communication et action directe de la SC

 

23 déc. 2018

Scrutin

Démarrer TSK

 

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